MAVA et les zones humides : une grande histoire d’amour ! Et l’une d’entre elle se déroule à Prespa, pour un programme de préservation de zones humides.
Un peu de contexte sur le projet de préservation de Prespa
Au cœur des Balkans, là où les montagnes semblent toucher le ciel, se cachent deux lacs légendaires, Grand et Petit Lac Prespa. Ces joyaux naturels, formés il y a plus de deux millions d’années, relient trois pays : l’Albanie, la Grèce et la Macédoine du Nord accueillent plus de 50 espèces endémiques.

Notre histoire commence dans les années 70, alors qu’un ornithologue de renom Luc Hoffmann tombe amoureux de ce duo de lacs et de ses derniers pélicans frisés. Mais deux grands défis rendent difficiles la préservation de cette zone.
Défi numéro 1 : A cette époque la Grèce est une dictature et le gouvernement militaire avait justement de grands projets de développement prévus pour cette zone – construction de routes, de drainage et d’agriculture mécanisée…
Défi numéro 2 : Le Prespa est une zone humide partagée entre la Grèce, l’Albanie et la Macédoine – 3 pays rongés par des luttes frontalières.
Comment sommes-nous passés d’un contexte politique et géopolitique compliqué à un exemple de préservation international de zone humide ?
Les actions misent en œuvre pour préserver la zone humide de Prespa
Rome ne s’est pas faite en un jour et c’est pareil pour la restauration de Prespa, des efforts sur le temps long et la coordination des différents acteurs a été essentielle.
Voici les étapes qui ont permis une situation pérenne dans la zone humide des lacs Prespa :
Année 70 : des négociations fructueuses mènent à une première protection de la zone
Dans un contexte difficile de dictature militaire grecque, Luc Hoffmann réussit à convaincre les autorités d’abandonner leurs projets de développement nocifs pour l’écosystème et même de protéger cette zone en 1974. Les patrouilles militaires faisaient même des rondes sur le lac, pas le repos le plus paisible pour les pélicans !
Années 80 : des freins structurels à la préservation de la zone humide des lacs Prespa Mais ça ne suffit pas car les deux autres pays de la zone humide ne partagent pas cette vision. De plus, l’entrée de la Grèce dans l’UE dans les années 80 s’est accompagnée de fonds européens pour le développement ce qui a remis les plans d’artificialisation sur la table. Thymio Papayannis, architecte et environnementaliste de renom, a d’ailleurs écrit un rapport pour la Commission européenne intitulé “La débâcle de Prespa” pour dénoncer ces projets mal adaptés et teintés de corruption.
Année 90 : le travail avec les populations locales pour préserver Prespa En 1991, la Société pour la Protection de Prespa (SPP) est créée, elle a comme objectif de travailler avec les populations locales pour maintenir l’économie tout en préservant et redynamisant l’environnement naturel. Par exemple, depuis toujours les pélicans étaient chassés par les pêcheurs locaux, l’Etat avait même pendant longtemps donné une prime pour chaque œuf rapporté. Le travail de la SPP pour sensibiliser sur leur impact sur l’écosystème porta ses fruits lors d’une grande sécheresse. Lors de cette sécheresse, les pélicans ont nichés sur les pièges des pêcheurs impactant leur activité. “Nous avons parlé directement aux pêcheurs, en leur disant que c’était à eux de décider s’ils voulaient que leurs petits-enfants voient cet oiseau vivant sur Terre ou non. Lorsque nous avons vu les bateaux lever l’ancre à l’aurore le matin suivant, nous avons retenu notre souffle – mais alors qu’ils approchaient des pièges, ils ont coupé leurs moteurs et les ont contournés en silence.” partage Myrsini Malakou, biologiste grecque et présidente historique de la SPP. Grâce au financement de l‘UE LIFE et à l’expertise de la Tour du Valat en Camargue, il y a eu une restauration des prairies humides où plusieurs méthodes agricoles furent testées avec les populations locales telle que la pratique ancestrale des champs humides.
Année 2000 : une vrai collaboration transfrontalière Le 2 février 2000, Journée Mondiale des Zones Humides, avec la création du Parc Transfrontalier de Prespa : les Premiers ministres d’Albanie, de Grèce et de Macédoine du Nord ont accepté de créer le Parc transfrontalier de Prespa. Quel symbole de voir ces trois premiers ministres que beaucoup oppose, s’unir pour le bien de Prespa ! “Au sein des trois pays, les scientifiques ont commencé à échanger des données, les municipalités à communiquer, les parcs nationaux à mieux se connaître… Et peu à peu, la situation a changé. Notre slogan, c’était : Trois pays, deux lacs, un futur. » raconte Myrsini.
Années 2010 : Soutien financier pour une conservation durable En 2015, la Fondation MAVA crée le Prespa Ohrid Nature Trust pour assurer un financement stable à long terme pour la conservation. Lynda Mansson, présidente du fond, explique : « La création du Prespa Ohrid Nature Trust a permis que des ressources significatives soient rendues disponibles à perpétuité pour soutenir les actions en faveur de la conservation dans cette région importante.
Résultats : un vrai exemple de préservation transfrontalières en harmonie avec les populations locales



- Restauration des habitats et augmentation des populations d’oiseaux : La population des pélicans frisés a été stabilisée, atteignant 1 500 couples, et la région est devenue un site de tourisme écologique prospère. La restauration des prairies humides a permis la régénération des écosystèmes aquatiques, avec plus de 100 hectares de prairies protégées.
- Coopération renforcée entre les trois pays : La création du Parc transfrontalier de Prespa a représenté un tournant dans la coopération entre la Grèce, l’Albanie et la Macédoine du Nord. Ce modèle de collaboration est désormais un exemple pour d’autres projets de conservation transfrontalière.
- Soutien à la pérennité des efforts de conservation : Grâce au Prespa Ohrid Nature Trust (PONT), les efforts de conservation sont désormais financés de manière durable, ce qui assure la continuité des projets de préservation des écosystèmes de la région.
- Modèle de conservation pour d’autres régions : L’expérience des lacs Prespa est désormais un modèle pour la conservation dans d’autres régions du monde. Les initiatives de coopération internationale, d’implication des communautés locales et de financement durable sont désormais des pratiques courantes dans les projets de préservation des écosystèmes transfrontaliers.
- Renforcement des liens entre les communautés locales et la conservation : Les communautés locales ont vu une amélioration de leur qualité de vie grâce à l’adoption de pratiques agricoles durables, le développement d’un écotourisme respectueux de l’environnement et une meilleure gestion des ressources naturelles.
Les lacs Prespa représentent aujourd’hui un modèle de conservation réussie, alliant préservation de la biodiversité, coopération internationale et développement durable. C’est justement un modèle qui nous inspire chez FLAMINGO dans la sélection des projets à financer !