A quoi pense-t-on quand on parle de zones humides ? Souvent, soit on n’a aucune idée, soit on pense aux moustiques, aux marécages et aux terres d’accueil des méchants de Disney. Les zones humides ont beau jouer un rôle crucial dans la lutte contre le dérèglement climatique et la préservation de la biodiversité, elles sont encore méconnues et mal aimées.
Le saviez-vous ? Le terme “zone humide” est très (très) vaste. Il désigne un espace de transition entre la terre et l’eau. Ce sont des lieux contenant de l’eau peu profonde (douce, salée ou saumâtre) et présente de façon permanente ou temporaire. Les zones humides les plus connues sont les marais, les tourbières, les mangroves … Si vous voulez faire le plein d’anecdotes sur les zones humides, consultez cet article.
La méconnaissance des zones humides et les croyances populaires ont conduit à une dégradation trois fois plus importante que celle des forêts dans un anonymat presque complet. Heureusement, depuis quelques années, des pionniers, visionnaires, scientifiques ont permis une prise de conscience qui permet de rompre progressivement avec leur mauvaise réputation. Ce n’est que récemment que le monde (re)découvre l’intérêt écologique, économique et esthétiques de ces milieux.
Afin de mieux les préserver, encore faut-il comprendre les menaces qui pèsent sur elles. Nous avons décrypté pour vous les 6 principales menaces.
1. L’agriculture intensive
L’agriculture intensive. Pour répondre à certaines pratiques agricoles, les zones humides sont asséchées en les drainant. En France, 6 000 ha1 de terres agricoles sont drainées chaque année, soit la surface de Manhattan. En drainant les zones humides, elles libèrent le carbone stocké depuis des millénaires. 1 mètre de tourbière drainée, c’est 1000 ans de matière organique libérée dans l’atmosphère3.
Les zones humides, puits de carbone, menacent de devenir sources de carbone. Les produits phytosanitaires utilisés en agriculture polluent également les milieux humides. Ils s’écoulent dans les eaux de surface et s’infiltrent dans les nappes phréatiques, contaminant la faune et la flore environnantes.
Quelles solutions ? Faire évoluer nos politiques agricoles et aquacoles pour protéger les milieux humides et maintenir le «service» de régulateur climatique qui a été le leur depuis 10 000 ans.
Exemple : de nombreuses initiatives ont été lancées en France et permettent de conjuguer agriculture innovante et conservation de la nature. C’est le cas du domaine du Petit Saint-Jean. Un projet qui nous inspire beaucoup chez Flamingo.
2. L’urbanisation
Pour étendre nos réseaux de transport et d’habitats, certains aménagements causent la dégradation voire la suppression de zones humides. 16 000 à 60 000 hectares de terres sont urbanisés chaque année en France9. Cette artificialisation des sols ont des répercussions préoccupantes sur la circulation de l’eau (ruissellement, infiltration, stockage …).
Une étude menée par l’agence de l’eau a démontré que l’artificialisation des sols touchait particulièrement les zones humides : 11% des surfaces potentiellement zones humides situées dans le Rhône méditerranée sont sous pression de l’artificialisation, versus 8% pour les autres types de surfaces10. En France, tout aménagement urbain doit respecter une réglementation ERC : Eviter, Réduire, Compenser.
- Éviter de construire sur des milieux humides ;
- Réduire l’impact environnemental si l’évitement n’est pas possible ;
- Compenser la dégradation du milieu en finançant la régénération d’un projet de restauration zones humides ailleurs ;
Quelles solutions ? Intégrer les milieux humides dans l’aménagement de nos territoires (PLU, SCOT), désimperméabiliser les sols pour ralentir les ruissellements et infiltrer l’eau dans les sols, accompagner les maîtres d’ouvrage pour qu’ils anticipent en amont des procédures réglementaires les enjeux environnementaux à prendre en compte.
Exemple : La ville de Roanne (42) a restauré en 2013 une zone humide de 4 ha en plein centre ville pour faire face aux épisodes de canicule13. En période estivale, les riverains bénéficient d’un îlot de fraîcheur.
3. L’aménagement des cours d’eau
Dans leur grande majorité, les cours d’eau français ne sont pas « naturels ». Ils ont été aménagés avec des digues, barrages, … pour protéger les villes des inondations ou gagner en terres agricoles. Plus de la moitié de ces ouvrages sont obsolètes et laissés en l’état et constituent des obstacles à l’écoulement d’après l’Office Française de la Biodiversité.
En 2023, on compte en moyenne 1 ouvrage tous les 4,16km de cours d’eau en France1. Selon le Code de l’Environnement, un ouvrage constitue un obstacle à la continuité écologique, s’il possède l’une des caractéristiques suivantes :
- Il ne permet pas la libre circulation des espèces biologiques ;
- Il empêche le bon déroulement du transport naturel des sédiments ;
- Il interrompt les connexions latérales avec les réservoirs biologiques ;
- Il affecte substantiellement l’hydrologie des réservoirs biologiques ;
Quelles solutions ? Restaurer et décloisonner les cours d’eau, supprimer les ouvrages obsolètes et intégrer la biodiversité dans la réflexion pour construire de nouveaux ouvrages.
Exemple : à Chambéry, la ville a recréé en 2016 un corridor écologique à la rivière7 connecté à une zone humide pour lutter contre les inondations. L’opération protège 7 200 personnes des crues centennales et permet d’économiser 120 M€ de dégâts potentiels.
Le saviez vous ?
Transformer les zones humides en d’autres types de terrains coûte très cher au monde : entre 4,3 et 20,2 trillions de dollars chaque année4. Protéger les zones humides est économique : cela nous permet de réduire les dégâts causés par des événements climatiques comme les inondations et les tempêtes, en s’appuyant sur les services qu’elles rendent naturellement.
4. L’extraction de ressources
Les zones humides fournissent des ressources essentielles à l’homme mais leur prélèvement excessif menace leur bon fonctionnement. L’eau, les granulats et la tourbe sont particulièrement concernés.
L’eau prélevé pour répondre aux besoins des activités humaines se répartit ainsi : 44,7 % pour la production d’énergie,17,4% pour l’alimentation des canaux, 11,6% pour l’irrigation, 7,6% pour l’industrie, 1,7% pour l’eau potable6.
La tourbe est utilisée dans les supports de culture pour améliorer la porosité du sol et maintenir une bonne humidité autour des racines. L’extraction industrielle de tourbe a été une cause significative de destruction des tourbières. Bonne nouvelle ! La dernière grande exploitation de tourbe en France devrait prendre fin en 2026 (marais du Cotentin)5.
Quelles solutions ? Organiser le partage de la ressource en eau par une gouvernance adaptée, déployer des actions d’économies d’eau pour diminuer les besoins de prélèvements. Promouvoir l’utilisation de matériaux alternatifs et recycler les matériaux de construction pour diminuer l’extraction de granulats des zones humides.
Exemple : de nombreux terreaux en magasins de jardinage proposent des alternatives sans tourbes. Optez pour un terreau sans tourbe ou fabriquez le vôtre avec du compost !
5. L’intensification de la production forestière
Les forêts sont essentielles pour capter le C02 contenu dans l’atmosphère. Cependant, sans une gestion durable de l’industrie forestière, cela peut entraîner des impacts négatifs pour les milieux aquatiques. Dans les années 60 et 70, la politique de reboisement de l’État a asséché de nombreuses tourbières, les arbres plantés drainant énormément d’eau.
L’écosystème forestier joue un rôle crucial dans le cycle de l’eau. Il contribue à la réduction des pollutions diffuses grâce à ses capacités de purification, limite l’érosion des sols, atténue l’impact des crues dans les zones urbanisées en aval et soutient la biodiversité des cours d’eau et des zones humides. Mais une gestion forestière non durable peut avoir des effets néfastes sur les zones humides environnantes, compromettant leur intégrité écologique et leur capacité à fournir des services écosystémiques essentiels.
Quelles solutions ? Concilier exploitation forestière et protection des milieux aquatiques permet d’alimenter un cercle vertueux entre ces 2 écosystèmes essentielles à nos conditions de vie sur terre. En 1998, deux circulaires ont mis en lumière des principes de précaution pour protéger les zones humides des activités de boisement7 : ne pas détruire des tourbières pour y planter des forêts et prendre en compte les zones humides dans les projets de plantation de forêts.
Exemple : EcoTree est une entreprise qui gère durablement des forêts en proposant aux entreprises et citoyens d’acheter des arbres comme des placements financiers à impact positif sur la nature. Dans chaque nouveau projet, elle prend en compte la présence de zones humides sur le site dans l’aménagement de la forêt.
6. Les espèces exotiques envahissantes
Les espèces exotiques envahissantes, introduites par l’homme, colonisent les milieux au détriment des espèces locales. L’eau étant un propagateur d’espèces, la lutte pour la survie est intense dans les milieux humides. En 2020, 86% des milieux humides en France présentaient des espèces exotiques envahissantes1.
Le Jussie, par exemple, est une plante aquatique qui forme des tapis denses qui étouffent les espèces locales et modifient les conditions de l’eau. L’introduction d’espèces exotiques envahissantes est la 5ème cause de perte de biodiversité dans le monde1.
Les solutions ? Mettre en place des stratégies de gestion et de prévention pour contrôler les espèces envahissantes.
Exemple : en 2021, le forum de marais atlantique a lancé un programme pour lutter contre les espèces exotiques envahissantes de Nouvelle-Aquitaine (REEENA)8. L’objectif est d’assurer une veille et une gestion efficiente de cette problémantique en embarquant l’ensemble des acteurs de la région.
Conclusion
Chez Flamingo nous sommes de nature profondément optimiste. Nous pensons que nos expériences passées constituent un formidable capital pour demain. Et nous sommes boostés par la réussite des nombreux projets de préservation !
Il est encore temps d’agir pour sauver ces lieux qui regorgent de super-pouvoirs pour le climat, la biodiversité et le bien-être de la vie humaine.
Restez informés sur nos incroyables projets de préservation des zones humides à venir ! Chaque goutte compte, chaque don compte !
1 : ONB https://naturefrance.fr/indicateurs/rythme-du-drainage-agricole-en-france
3 : Sources Terre d’avenir Tobias Salathé
5 : Zones humides https://www.zones-humides.org/milieux-en-danger/menaces/extractions-de-materiaux
4: Le nouveau guide du décideur politique pour une gestion durable et une restauration des écosystèmes d’ici 2030 : https://bassinversant.org/wp-content/uploads/2023/09/wetland-restoration-handbook-fr_vfweb.pdf
6 : GOUV 2020 https://www.notre-environnement.gouv.fr/actualites/breves/article/quels-usages-fait-on-des-prelevements-d-eau
7 : OFB https://professionnels.ofb.fr/sites/default/files/pdf/RevueFS/FauneSauvage271_2006_Art1.pdf
8 : FMA Les Espèces Exotiques Envahissantes en milieux humides – Forum des Marais atlantiques
10 : agence de l’eau https://www.zones-humides.org/l-espace-humide-de-reference-un-guide-du-bassin-rhone-mediterranee
Crédits photos
Image 1 : Tim Mossholder https://www.pexels.com/fr-fr/photo/photo-de-champ-vert-pres-des-montagnes-974314/
Image 2 : Alisha Lubben https://www.pexels.com/fr-fr/photo/vue-panoramique-sur-la-ville-2305747/
Image 4 : https://www.pexels.com/fr-fr/photo/photographie-de-paysage-d-usine-459728/
Image 5 : https://www.reserve-regionale-tourbiere-des-saisies.com/tourbiere/